A l’occasion de la publication par le Conseil des Architectes d’Europe d’une étude sur l’impact économique de la réglementation dans les pays européens, un débat s’est engagé, dans les pages du site Batiactu. Luc Monnin, architecte, reproduit et prolonge ici sa réaction sur ces « idées reçues ».
« Je ne sais pas s’il est amusant ou irritant de voir les représentants des lobbys des maîtres d’œuvre non formés intervenir, en racontant essentiellement des contre-vérités, dès qu’ils voient apparaître une étude sur la profession d’architecte. Et cela dans le seul espoir non pas de travailler sur la qualité, mais bien dans l’idée d’augmenter la part de l’architecture ouverte à n’importe qui.
Dans le florilège des idées reçues énoncées, celle que les architectes ne sont pas formés à la maîtrise d’œuvre et ne la réaliserait pas. En les opposant implicitement aux ingénieurs qui eux sauraient la faire mais étant exclus du droit à la création de façon inique seraient légalement pénalisés.
Soyons clair en France, sur tous les chantiers, surtout les plus importants et alors que nous travaillons systématiquement avec des ingénieurs, complémentaires de notre métier, ce sont rarement eux qui font la maîtrise d’œuvre. Et le plus souvent parce qu’ils n’y sont pas formés ! Trop spécialistes, peu habitués aux approches globales comme au terrain ils sous-traitent cette mission ; y compris dans de nombreux cabinets d’ingénierie importants. Et à qui ? A des architectes le plus souvent car eux maitrisent les approches globales!
Y compris dans des cabinets pluridisciplinaires structurés.
Enfin il est faux de dire que dans les autres pays les architectes sont d’abord ingénieurs. Historiquement un seul pays européen, l’Allemagne, était dans cette voie prioritaire qu’elle a amendée il y a plus de 40 ans parce que justement ses architectes manquaient de capacité créatrice. Enfin aujourd’hui tous les pays européens disposent de passerelles dans les études entre les deux métiers pour justement faciliter ces échanges.
Mais ce qui sous-tend de telle revendication prétexte de liberté ce n’est pas la valorisation de l’ingénierie professionnelle. Non ! C’est plutôt son contraire, instiller qu’il serait préférable d’autoriser sans légiférer ni limiter la création spatiale, urbaine et architecturale. C’est faire croire que le mieux serait de favoriser encore plus le droit à travailler sans filets ni compétences pour tous ces « maitres d’œuvre » autoproclamés qui généralement ne sont ni architectes, ni ingénieurs, mais d’anciens techniciens de bureau d’étude ou commerciaux de pavillonneurs.
Quant à l’analyse de la commission européenne en elle-même, elle permet effectivement de rappeler que la création architecturale, y compris son volet technique de mise en œuvre, ne peuvent-être des processus standardisés de la commande à la livraison. En réalité ce sont des commandes de savoir-faire pour la réalisation de marqueurs forts des territoires. Cela partir de processus maitrisés y compris dans la recherche, de prototypes toujours renouvelés. Ce qui fait la spécificité de l’architecture ce n’est pas que la technique !
Un projet étant toujours différents de l’autre ne serait-ce que parce qu’il n’est jamais deux fois au même endroit, il ne s’inscrit pas dans la reproduction mais dans l’interprétation et la valorisation d’un savoir. Notre plus grande différence avec les ingénieurs c’est que nous sommes les seuls à travailler à niveau égal de compétence sur les sciences-dures et les sciences-molles, la technique et l’humain. A chaque fois. Il reste donc essentiel que ces taches soient assumées par des créateurs formés. Et qui utilisent ce savoir à chaque fois. »
Luc Monnin, Architecte
>> A lire sur Batiactu « Quid des idées reçues de la Commission européenne sur la profession d’architecte«
Architecte - Ville > 50.000 habitants - 20000
Dommage, et symptomatique de notre société, d’en être réduits encore à devoir marteler cela!
Enseignant(e) - Ville > 50.000 habitants - 75013
S’il est juste de défendre les compétences indispensables pour réaliser l’exécution, et de revendiquer la maîtrise d’œuvre complète, il est vraiment inexacte d’affirmer que les architectes français sont formés correctement à la maîtrise d’œuvre. Ils sont formés essentiellement à la conception et dans ses phases esquisses, le reste ils l’apprennent au mieux sur le tas à la sortie de l’école. Faiblesse des stages également, quelques semaines en licence et 2 mois en master !!! La hmonp est venue en partie corriger cela mais 6 mois de mise en situation professionnelle appuyées de 150 heures de cours, c’est encore assez peu comparé aux 2 ou 3 années pour la licence d’exercice dans la plupart des autres pays… Donc ne nous payons pas de mots et trouvons des solutions pour remonter la pente et récupérer si nous le souhaitons vraiment les missions complètes.