Pour une reprise en main de la maîtrise d’œuvre

- par Jean-Claude Martinez, architecte et président de MAF assurances. Transformons nos métiers !

Reconnaissons-le, le BIM nous fascine. A la fois base de données, processus d’élaboration et outil de management, le système tient du génial. Il est capable de répondre aux gains de productivité auxquels aspire la filière. Il facilite la maîtrise des coûts et des délais plébiscitée par ses commanditaires. Le monde de la construction s’accorde sur ses multiples vertus et appelle la maîtrise d’ouvrage professionnelle à l’utiliser.

Le plus spectaculaire dans le BIM, c’est la maquette numérique. Même si la 3D nous a déjà projetés dans des modes de représentation ultraréalistes des projets d’architecture, la puissance de l’outil nous transporte aujourd’hui dans une réalité virtuelle sans pareil. Le plus révolutionnaire, c’est la véritable organisation scientifique du travail que le BIM impose désormais aux constructeurs. Et bientôt aux gestionnaires immobiliers. Le BIM est l’outil de collaboration idéal pour la grande variété des acteurs qui gravitent autour de la maîtrise d’ouvrage. Ca tombe bien, leur nombre a explosé depuis 30 ans. L’industrialisation du processus d’élaboration du projet à laquelle ils sont appelés avec le BIM bouscule une pratique aujourd’hui encore très artisanale. Mais peut-on s’en contenter ?

Sans doute non. Même intelligent, le découpage du travail aussi fin soit-il avec le BIM, ne résoudra rien des profonds dysfonctionnements dont souffre la maîtrise d’œuvre en France. Atomisée, majoritairement trop faible économiquement pour investir dans des outils coûteux, techniquement déqualifiée dans le sillage d’entreprises qui abandonnent à chaque crise économique une partie de leurs savoir-faire, elle doit aujourd’hui se reconstruire. Pour relever le défi technologique et qualitatif qui se présente à eux, les architectes, les bureaux d’études et les économistes de la construction, devront sortir de l’émiettement structurel dans lequel la commande publique, grande spécialiste du saucissonnage des missions, les cantonne depuis 40 ans. Nous savons aujourd’hui que la non-qualité se niche dans les trop nombreuses interfaces entre acteurs de la construction.

Le renouvellement des villes, la revitalisation du monde rural, la rénovation énergétique, le logement de qualité à coût maîtrisé… appellent des savoirs multiples intégrés à des structures pluridisciplinaires. Des structures assez solides pour s’équiper en BIM. Des structures assez expertes pour pratiquer le chantier au quotidien. Ce n’est pas la voie empruntée ces dernières années. Sans nier la prise de conscience écologique des années 2000-2010 et les efforts produits pour réaliser une nouvelle génération de bâtiments à basses consommations, les pouvoirs publics ont encouragé la multiplication des labels et l’émergence de nouveaux spécialistes, assistants à maîtrise d’ouvrage et autres certificateurs. Témoignant par là, une certaine défiance à l’égard de la maîtrise d’œuvre et à sa capacité à amener le bâtiment à la performance énergétique. Ces contrôleurs en tous genres ont sans doute amélioré la qualité des bâtiments sur le papier. Mais ils sont passés à côté d’une exécution qui n’a cessé de se dégrader. La maîtrise d’œuvre, incapable d’enrayer cette dérive ne se satisfait pas de cet abandon de la qualité au profit de promesses labellisées trop commerciales.

Le BIM, si performant soit-il, n’est pas le remède à cette dérive. Il est, avant tout, un outil exigeant pour des constructeurs qui ne le sont pas assez. C’est désormais à une maîtrise d’œuvre pluridisciplinaire et de terrain de reprendre la main.

Jean-Claude Martinez, architecte et président de MAF assurances

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