Je fais court; un confrère parisien, moi qui ne suis qu’un pharisien d’hyperprovince (Ajaccio métropole de 60000 habitants, l’île-ville Corse 330000 habitants plus ou moins là et 3 millions en cumul des séjourneurs estivaux) me demande pourquoi lorsque sollicité par la MDA locale sur la thématique de l’habitat participatif lors des Journées de l’Architecture et du Patrimoine en octobre, au titre d’unique architecte, maître d’œuvre et autopromoteur d’un projet de cette nature en Corse – 8 ans de travail, de risques, de difficultés supplémentaires à celles inhérentes à notre métier – je demande un défraiement modique (et une présentation préalable de 20mn à la Conférence). La MDA a décliné.
Je lui ai fait cette réponse: C’est drôle car il ne s’agit pas d’argent (déjà vues les sommes modiques en question) mais du symbole de l’obole dont il s’agit . Du geste de mettre la main à la poche qui coûte et donc par quoi on valorise ce que l’on paye – dans un monde d’argent et de gros sous par ailleurs (et gros dessous ); à l’heure où le Medef parle du bénévolat nécessaire c’est ironique. C’est comme en psychanalyse ça marche quand ça coûte. A l’heure où le Cnoa requalifie les cabinets en entreprises ! A l’heure de la recrudescence des impayés endémiques à la profession. A l’heure où survivre seul devient un miracle – grosses propriétés éliminent petits exploitants parallèle avec le monde paysan.

Je suis un artisan et le Bim pour y revenir et conclure – je crois bien que l’on parle de la même chose – car s’y niche aussi une exploitation des énergies des personnes pour maximiser les gains des nantis mais là en l’occurrence personne d’autre ne sera gagnant. Je suis luddiste mais là il s’agit non seulement d’un choix entre l’homme et la machine mais ce que l’usage de la machine shunte du réel. Du rapport à la matière de l’ordre d’inverser le concret avec la carte. D’imposer impossiblement celle-ci sur le réel.

Vive le jeu. Le jeu de la matière qui vibre qui bouge. Le vivant ne sera jamais réductible au dessin. Le prétendre c’est tendre un peu plus vers la folie dans laquelle se pâme notre société du tout numérique.

Le rapport avec l’introduction: la lenteur et la mesure qui caractérisent les choses abouties et de qualité; abouties justement, car seul le temps, l’ajustement qu’il permet, la reconnaissance de l’action nécessaire et inévitable de la matière, de l’entropie. Construire une première fois via le BIM un bâtiment en virtuel et le construire à cette image (qui restera malgré tous les progrès de précision illusoire, un dessein, une représentation imparfaite, incomplète) dans le réel est une catastrophe en soi, une prétention démiurgique qui en coûtera d’autant aux architectes qui s’y prêteront par l’échelle de responsabilité que l’on leur fera endosser – quant au schisme avec les hommes de terrain condamnés également à se prothéser au numérique, il grandira encore.

Hugues Rolland, architecte